greffes de cellules souches et greffes lamellaires Article de F. Majo P. Othenin-Girard L. Zografos |
L’absence d’épithélium cornéen conduit à une perte de transparence de la cornée et à une baisse de la vision. Pour reconstruire une cornée opacifiée par destruction de son épithélium, il est nécessaire d’apporter des cellules souches en greffant de la région limbique provenant de l’œil controlatéral, de l’œil d’une personne apparentée ou d’une autre personne. Il est aussi possible de cultiver des cellules souches provenant de l’œil du patient ou de son œil controlatéral (culture autologue) ou provenant d’une personne apparentée (culture allotypique). Greffer des cellules souches épithéliales ne suffit pas à restituer la transparence de la cornée : il est aussi nécessaire de changer une partie du stroma cornéen en réalisant des greffes transfixiantes ou des greffes lamellaires. |
Après la cataracte (opacification du cristallin) et le glaucome (hypertonie intraoculaire), les opacités cornéennes constituent la troisième cause de cécité dans le monde. Dans les pays industrialisés, les brûlures sont une des premières causes de cécité par opacité cornéenne. Durant la dernière décennie, les modèles de renouvellement de l'épithélium cornéen et les stratégies thérapeutiques appliquées à la cornée ont évolué de manière spectaculaire et nous ont permis de modifier notre approche thérapeutique lors de la reconstruction de la surface oculaire. La cornée constitue un hublot transparent comparable à un verre de montre placé en avant de l'iris (figure 1). Pour atteindre la rétine, la lumière doit traverser la cornée puis le cristallin. Si l'un de ces tissus devient opaque, seule une partie de la lumière atteint la rétine et la vision est abaissée. Pour que l'acuité visuelle soit maximum, il faut que la cornée soit transparente et que ses courbures soient homogènes. La perte de la transparence de la cornée peut être secondaire à un changement de phénotype de l'épithélium cornéen (l'épithélium de la cornée prend un aspect conjonctival ou devient kératinisé par exemple) (figure 2). Elle peut aussi être secondaire à une cicatrice stromale (opacité dans l'épaisseur de la cornée), ou à un dysfonctionnement d'un de ses composants c'est-à-dire dysfonctionnement de l'épithélium, du stroma ou de l'endothélium cornéen (maladies congénitales ou dégénérescences). [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] En l'absence d'épithélium cornéen ou avec un épithélium cornéen anormal, la cornée perd sa transparence. Comprendre comment l'épithélium de la cornée se renouvelle constitue donc un pré-requis incontournable pour choisir et concevoir les meilleures thérapeutiques lors de la restitution de la transparence cornéenne. Comme dans tous les épithéliums de l'organisme, les épithéliums de la surface oculaire se renouvellent à partir de cellules souches. Pour l'épithélium de la cornée, celles-ci seraient localisées dans le limbe (jonction entre la couleur de l'œil et le blanc de l'œil).1,2 Selon le modèle couramment admis, les cellules souches du limbe se diviseraient rarement et donneraient naissance à des cellules d'amplification transitoire (cellules capables de donner naissance à de nombreuses cellules filles), puis à des cellules postmitotiques différenciées. Comme il n'y a pas de cellules souches dans la cornée, les cellules d'amplification transitoire doivent migrer vers la cornée centrale en physiologie tout en se divisant et en renouvelant l'ensemble de l'épithélium cornéen. Ce modèle présente l'épithélium cornéen comme un épithélium fragile, à haut risque de dysfonctionnement car dépendant lors de son renouvellement en physiologie ou après une blessure de cellules souches à distance du centre de la cornée (les cellules souches seraient à 5 ou 6 mm du centre de la cornée). Ce modèle a permis depuis les années 1986 de modifier la prise en charge des pathologies de la surface oculaire secondaires à un changement de phénotype épithélial. |
reconstruire la surface oculaire à partir de greffes de cellules souches ou de cultures de cellules souches
Pour la communauté ophtalmologique, le changement de phénotype de l'épithélium de la cornée est consécutif à une destruction des cellules souches épithéliales limbiques. La cause de leur destruction peut être diverse dans ses origines (congénitale ou acquise), ses expressions (partielle, totale, unilatérale ou bilatérale), son évolutivité (aiguë ou chronique) et ses mécanismes (brûlure, infection, inflammation chronique, etc.) (Majo et coll. Soumis au Journal Français d'Ophtalmologie). Certaines pathologies sont strictement limitées à la surface oculaire alors que d'autres sont l'expression de maladies systémiques (pemphigoïde cicatricielle par exemple).